Le recrutement de la génération Y

Le recrutement est en pleine évolution en raison d’un rapport au travail différent et l’essor du digital. Deux professionnels du recrutement ont répondu à nos interrogations et nous ont partagé leur vision sur le sujet.

Le marché du travail a fortement évolué depuis ces dernières années. En effet, on constate que le rapport au travail a changé et les aspirations des travailleurs sont différentes. Les mutations des pratiques de recrutement, ainsi que la digitalisation des démarches de recherche d’emploi et de recrutement impactent de manière significative le processus d’embauche. Pour comprendre cette nouvelle tendance et ses enjeux, deux professionnels du recrutement nous ont fait part de leurs expériences ainsi que de leur vision sur le sujet.

Entretien avec deux spécialistes :

 

Pourriez-vous décrire votre parcours et présenter votre situation professionnelle actuelle ?

Valentine : Après un bac ES, j’ai intégré l’ESDES, une école de Management en 5 ans, où je suis sortie diplômée d’un Master en Ressources Humaines. Par la suite, j’ai effectué mon stage de fin d’études chez Montabert, entreprise française spécialisée dans la conception, la production et la commercialisation d’équipements hydrauliques de démolition et de forage pour les professionnels des travaux publics, des mines et des carrières.

Ce stage ayant directement découlé sur une embauche, je travaille aujourd’hui toujours au sein du groupe où je suis Responsable du Recrutement et de la Formation.

Raphaël : Après une école de commerce, j’ai travaillé 9 ans dans la Finance en entreprise, en Contrôle de Gestion industriel, et bientôt 14 ans chez Robert Half International où je manage la division qui recrute des cadres financiers en CDI (DAF, contrôleurs de gestion, chefs comptables, auditeurs internes, etc.)

 

Pourquoi avez-vous choisi cette orientation professionnelle ?

Valentine : J’ai découvert assez tardivement les Ressources Humaines, en l’occurrence en 3ème année d’école de commerce, donc on ne peut pas dire que j’avais une prédisposition particulière à travailler dans ce secteur. En revanche, ce qui m’a tout de suite attiré, c’est de pouvoir focaliser mes compétences sur de la gestion humaine et sociale, davantage que sur la gestion d’un produit, ou d’une marque.

Raphaël : J’ai choisi cette orientation professionnelle pour fuir la routine car chaque recrutement est un projet à part entière et a ses singularités. Je me suis tourné vers ce secteur pour avoir un métier avec une dimension commerciale, tout en capitalisant sur ma maîtrise des métiers de la finance.

 

Quelles sont les qualités nécessaires à l'exercice de votre profession ?

Valentine : Comme dans la plupart des métiers, les premières qualités qui me viennent à l’esprit sont la rigueur et l’organisation. L’avantage est que les études nous permettent normalement de nous exercer à ces deux compétences via l’ensemble des expériences professionnelles que l’on doit réaliser, que ce soit dans le cadre de son parcours scolaire (stages, missions, etc.) ou extra-scolaire (jobs étudiants).

Je pense qu’il faut également savoir être discret, car lorsque vous travaillez dans un service RH vous connaissez absolument toute la vie de vos collaborateurs, les moments agréables comme les moments difficiles, et il faut ainsi savoir faire preuve d’empathie et de compréhension lors de certaines situations.

Enfin, selon la typologie de structure, la créativité va également s’avérer être un atout majeur, qui sera notamment appliqué à la définition de nouveaux process, outils, méthodes, afin d’optimiser les tâches quotidiennes du service.

Raphaël : Selon moi, l’écoute, l’empathie, la pugnacité commerciale, une grosse capacité de travail, la disponibilité ainsi que la curiosité sont les principaux aspects importants du métier.

 

Chez PRISMO, nous accordons une forte importance aux compétences personnelles chez les candidats, aussi dites "soft skills". À titre personnel, quel est votre regard sur le sujet ?

Valentine : Complétement d’accord ! Il m’arrive parfois pour certains recrutements de ne même pas regarder les compétences techniques car celles-ci sont tout simplement inexistantes sur le marché du travail. Par exemple, dans le service Traitement Thermique de Montabert, il m’est quasiment impossible de trouver des candidats avec une expérience ou une qualification spécifique au métier d’Opérateur sur Four. Ainsi, je dois complètement repenser mon process de recrutement et me focaliser uniquement sur la motivation, le savoir-être et la capacité d’un candidat à apprendre un nouveau métier.

Raphaël : C’est une évidence : 50% du succès est basé sur les compétences techniques et 50% sur ces soft skills : adaptation à une culture d’entreprise (qui est propre à chaque entreprise), intelligence émotionnelle et sociale, capacité à communiquer et à interagir avec l’autre, à comprendre ses attentes et besoins, sens de l’écoute etc …

 

Quels sont les principaux outils que vous utilisez pour vos recrutements (sites spécialisés, job boards, cabinets de recrutement, etc.) ?

Valentine : Pour les fonctions supports, j’utilise principalement les job boards généralistes comme Indeed, Pôle Emploi, l’APEC et même Le Bon Coin ! En revanche, pour les postes plutôt techniques, je travaille davantage en direct avec les écoles, les réseaux d’anciens élèves, ou les sites spécialisés, comme Metal Emploi.

Raphaël : Le vivier de candidats que nous enrichissons en permanence, l’approche directe via nos propres réseaux, réseaux sociaux du type LinkedIn, nous passons aussi parfois des annonces sur certains job boards (notre propre site Web, Cadremploi, Apec, Indeed, etc.)

 

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans le cadre du process de recrutement ?

Valentine : Deux difficultés principales ressortent régulièrement dans mon quotidien :

  • La pénurie de certaines compétences techniques spécifiques sur le marché de l’emploi, comme dans la mécanique de précision par exemple.
  • Le phénomène de surqualification de certains candidats : je fais régulièrement face à des diplômés de Master I ou II postulant pour des postes de niveau Bac+2. Cela pose de vrais problèmes d’inadéquation entre le profil et le poste et, ainsi, un risque de turnover plus élevé, et une problématique de sur-rémunération nécessaire qui se veut incohérente pour certains postes.

Raphaël : Nous rencontrons une pénurie de bons candidats pour des métiers très techniques et parlant anglais, par exemple, des contrôleurs de gestion industrielle et des chefs comptables qui parlent anglais, des consolideurs, etc.

De plus, nous remarquons une faible mobilité géographique des candidats ; certains postes localisés dans des zones excentrées ou reculées sont difficiles à trouver preneurs.

Enfin, une forte concurrence entre les cabinets de recrutement.

 

Quelles sont les tendances et évolutions actuelles que vous observez dans le monde du recrutement ?

Valentine : Nous faisons le constat d’une accélération significative des reconversions professionnelles, dont les causes initiales semblent relever de réelles carences dans l’orientation scolaire et étudiante, ainsi qu’une inadéquation entre l’idée que certaines personnes se font d’un métier et la réalité du travail et de l’entreprise. Ces causes inquiétantes semblent également accélérer le phénomène de bore-out des employés. La nécessité de découvrir plus tôt et mieux son orientation, ainsi que ses velléités professionnelles comme personnelles, semble nécessaire.

Raphaël : L’apparition des réseaux sociaux qui font que beaucoup d’entreprises essaient de se débrouiller pour recruter, sans faire appel à des spécialistes. Ces outils ont leurs propres limites car souvent, ces entreprises se heurtent aux problématiques de volume et de gestion de la masse d’information.

On constate aussi l’apparition de la Génération Y sur le marché du travail. Cette génération a ses propres codes (il y a beaucoup de littérature à ce sujet sur internet) ; souvent les entreprises et les managers ont du mal à les décrypter et à répondre à leurs attentes. D’où des difficultés à les fidéliser sur la durée.

Enfin, un raccourcissement des cycles chez les candidats : au début des années 2000, un candidat restait en moyenne 5 à 7 ans en poste ; aujourd’hui (depuis les années 2010), on est davantage sur 3 à 5 ans. Cela s’explique par la volonté constante d’évoluer et d’apprendre ainsi que de se confronter à de nouvelles situations.

 

Quels sont selon vous les enjeux majeurs du secteur du recrutement dans les années à venir ?

Valentine : A mon sens, les enjeux seraient de pouvoir donner aux recruteurs, via des outils informatiques digitaux, une meilleure visibilité en amont sur les qualités et compétences personnelles des candidats, ainsi que de pouvoir obtenir une meilleure traçabilité de leur carrière.

C’est à mon avis en ce sens que la plateforme PRISMO apporte une plus-value aux entreprises qui recherchent des talents humains qui colleront avec leur culture d’entreprise.

Raphaël : Le marché est très orienté candidats depuis quelques années. Pour attirer les bons candidats, il faut que les entreprises travaillent sur leur marque employeur afin d’être attractive. Les entreprises devront aussi s’adapter et proposer des parcours et des perspectives d’évolution pour fidéliser leurs talents et postes clés.

Ces deux acteurs devront s’adapter aux mutations de l’entreprise, à l’apparition de nouveaux métiers dans les années à venir. Il faudra se remettre en question, ne pas s’endormir sur ses acquis.

Pour conclure, l’inversion de la tendance du rapport au travail est en passe de changer le processus de recrutement. Aujourd’hui, comme ont pu le théoriser plusieurs leaders d’opinion à l’image d’Albert Meige, c’est le candidat qui choisit son emploi et non l’inverse. Face aux difficultés pour les recruteurs de trouver de bons candidats, le management en entreprise doit donc évoluer et s’adapter pour répondre au mieux aux aspirations des salariés et aux besoins des nouvelles générations. Pour permettre l’adéquation entre recruteurs et candidats, des outils de gestion du recrutement doivent être trouvés et être capables de gérer des objectifs très différents, voire opposés.